En bref, petit résumé de lecture pour les francophones intéressés à la médecine fondée sur les faits (evidence based medicine, EBM), du livre "Evidence-based medicine: How to practice and teach it", 4ème édition [1].* Dont sauf erreur aucune version n'existe en français (dommage).
Pourquoi ?
Parce que j'aime partager mes expériences, parce que je suis curieux de savoir où m'amènera mon intérêt pour ce domaine, parce que ça me permettra de revenir sur ce post pour voir mon évolution** et parce que peut-être que ça me permettra de trouver ce quelque chose que je cherche partout mais ne semble jamais trouver (récemment je me demandais où étaient les infirmier-ères francophones curieux d'intégrer les meilleures preuves à leur pratique). Aussi, et parce que j'espère ne pas être seulement intéressé par moi-même, pour stimuler l'intérêt des curieux.
Profitons-en pour déjà déclarer quelques détails mis à part mes conflits et contextualiser : J'ai déjà lu de nombreux articles et vidéos de l'un des auteurs du livre (Paul Glasziou), que je suis également sur Twitter depuis un certain temps. J'ai déjà réalisé des lectures sur l'EBM et été introduit formellement au sujet (majoritairement durant les dernières années de formation, ce qui m'a toujours paru curieux, faut-il donc savoir faire avant de savoir ce qui mérite d'être fait?).
Le livre
En bref le livre porte sur comment pratiquer et enseigner la médecine fondée sur les faits (non, vraiment?), écrit de manière (relativement, au plus) succincte. Dans un petit bouquin. Qui malheureusement ne rentre pas dans mes poches, mais j'ai de petites poches. J'avouerai apprécier l'humour des auteurs (je maintiens que la recherche scientifique est pleine d'humour, mais qu'il faut savoir l'apprécier).
Le message le plus important que ce livre m'a apporté me semble être que l'EBM ça n'est pas un schéma unique. Il y a des éléments clés (analyse des preuves) et des attentions particulières (considérer le patient, contexte, jugement), mais après la manière de faire, de chercher, les outils pour chercher peuvent tout à fait varier selon l'utilisateur, ses moyens et ses compétences. Il n'y a pas qu'un chemin qui mène à Rome, quoi. Ce qui ne signifie pas pour autant qu'on peut faire n'importe quoi.
Étrangement je pense que cette lecture m'a permis d'être plus ouvert à l'idée que certains "coupent" des étapes par exemple en n'évaluant pas un article mais en se fiant à des personnes de confiance. Le temps reste parfois sérieusement limité (pourquoi donc m'a-t-il fallu lire ça pour l'intégrer?). Même si j'avoue sérieusement douter des compétences d'analyse critique de la majorité des "experts" et professionnels de la santé et que je crains qu'éviter cette étape ne mène à ne jamais développer ou à perdre cette compétence.
Mais encore?
Quelques mots sur les risques des livres sur la santé/médecine et des documents non-actualisés ou mis à jour assez régulièrement (c'est-à-dire l'ensemble des documents papiers ou imprimés, notes de cours, etc.). Si des recommandations se révèlent fausses voire dangereuses (ou mortelles), difficile d'empêcher les futurs lecteurs de ne pas les suivre une fois le livre dispersé dans le monde, lu, relu, partagé, cité, recopié.
Les auteurs offrent quelques idées intéressantes, notamment : des prescriptions éducatives (brèves recherches à réaliser et présenter dans un temps raisonnable durant la pratique clinique), demander aux professeurs/enseignants/médecins de montrer l'exemple et réaliser eux aussi des recherches et les présenter, comparer ses recherches à celles d'un pair, rajouter des dates d'expiration aux documents (!), analyse critique d'un article avec la moitié des apprenants recevant un bon article positif et l'autre un bon article négatif, etc.
Petit rappel (cruel à mon goût) que chercher l'information (pull) c'est un bon début, mais si on ne se pose jamais la question face à une pratique eh bien on peut risquer de ne jamais savoir qu'elle mène à plus de risques que de bénéfices et qu'il est donc important de recevoir des mises à niveau (push). On ne sait jamais ce qu'on ne sait pas qu'on ne sait pas. Je reste bien peu fan des cours de formation continue (faiblement efficaces, souvent hors-pratique, peu fréquents, qualité du contenu variable). J'en profite d'ailleurs pour m'abonner à EvidenceAlerts et Nursing+ (McMaster), va savoir ce que ça va donner, sans doute trop d'information à lire pour un curieux généraliste comme moi, mais il faut croire que j'aime nager dans les lectures.
Si on tente de rester à jour en lisant tout, non seulement ça n'est pas faisable, mais terriblement de répétitions et de contenu sans intérêt / importance clinique (absolument! j'avais bien tenté de m'abonner à quelques journaux, mais systématiquement la plupart des articles correspondaient à ces critères).
Je peux enfin calculer un NNT et un NNH avec les variations du risque absolu et transformer ces rapports de cotes (odds ratio, OR) (qui malheureusement continuent de me sembler superbement abstraits, même après explications) ! Reste que pour communiquer avec le public large, je m'interroge sur leur compréhensibilité. ... D'ailleurs, avait-on seulement appris ce qu'était une ampleur d'effet, un risque relatif et absolu et un rapport de cotes durant ma formation infirmière? Je n'en ai pas souvenir. En tout cas nous n'avions eu aucun mot sur les rapports de vraisemblance (likelihood ratios, LR) ou les nomogrammes, que je trouve de plus en plus utiles et que j'aurais aimé avoir lorsqu'on avait appris l'examen clinique (ça nous aurait permis de reconnaître les tests utiles des moins utiles et des inutiles).
Le livre explicite bien sûr des stratégies (avec exemples, et exercices) pour formuler une question, chercher, évaluer différents types d'articles, former une équipe pour débuter un groupe d'EBM dans une institution qui n'est pas trop intéressée, les mauvaises stratégies d'enseignement de l'EBM, comment former un journal club qui tient la route et n'endort pas tout le monde, le nihilisme qui risque d'arriver durant les analyses (been there, done that!), etc.
Superbe lecture dont j'espère me souvenir longtemps (pas trop non plus parce que ça aura changé). Malgré cela et le fait qu'il se veuille simple (les statistiques et tests associés sont presque exclus), je ne pense pas que je le suggérerais comme première introduction à l'EBM car j'imagine facilement un lecteur qui découvre se sentir perdu parmi bien trop de concepts nouveaux et étrangers. Pire encore pour un lecteur ne comprenant que partiellement l'anglais.
Petite pensée à la fin de l'écriture de ce post... et si je le relisais la semaine prochaine, prendrais-je des notes différentes en plus ?
Au passage à la page 197 il est écrit deux fois le même OR (0.9), à la page 54, après "5 years ago. If would" le "if" devrait être "it", à la page 131 il est question de randomiser le temps "it randomizes time" dans les N-of-1 alors qu'à ma connaissance c'est l'ordre des interventions ou leur timing/planification qui peut être randomisé, à la page 244 dans "whether from in your organization" j'aurais retiré le "in" ou remplacé par "inside". Et je pense qu'il y a 99% de chances que je perde les cartes-astuces offertes à la fin du livre durant ces 4 prochaines années *snif*.
*Que j'aurais préféré être édité par autre chose qu'Elsevier, mais c'est une autre histoire...
** Apprendre toute sa vie, tout ça tout ça
Straus, S. E., Glasziou, P., Richardson, W. S., Haynes, R. B., & Churchill Livingstone. (2015). Evidence-based medicine: How to practice and teach it. Edinburgh: Churchill Livingstone/Elsevier.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.